Chibi Japan Expo a l’immense plaisir de vous annoncer la présence de l’acteur Kenji Oba, alias X-OR, figure emblématique de toute une génération dans les années 80, et il est de retour en France pour la plus grande joie de ses fans et a bien voulu répondre aux questions du magazine Coyote Mag.
Coyote Mag: Quand vous étiez jeune, étiez-vous plutot tv ou cinéma ?
Kenji Oba: Je regardais plutôt la télévision. A cette époque, mes camarades et moi étions fans d’une série où Sonny Chiba avait le rôle principal, "Key Hunter". Même quand nous étions dehors en train de nous amuser, dès que l’heure de Key Hunter se rapprochait, nous rentrions chez nous pour ne pas rater l’épisode. Plus tard, j’ai pu rencontrer mon idole Sonny Chiba, lors d’une audition. J’ai également joué dans Key Hunter à 17 ans.
Coyote Mag: Avez-vous appris les arts martiaux avant d'entrer à la JAC (Japan Action Club) ?
Kenji Oba: Non, c’est en entrant au JAC que j’ai vraiment pratiqué les arts martiaux. J’avais fait un peu de judo auparavant, mais rien de sérieux. Sinon, pour tout ce qui est gymnastique, c’est pareil. Je savais faire un flip arrière, à tout casser, mais pas plusieurs d’affilé, ni de salto. Je me suis mis aux arts martiaux pour apprendre à bouger à l’écran.
Coyote Mag: Pourquoi êtes-vous entré à la JAC ?
Kenji Oba: Il n’y avait pas trop de boulot. Je fais partie de la première génération d’élèves, mais il y avait la génération zéro avant nous, celle qui a fondé la JAC. Ils étaient sept ou huit. Lorsque j’ai passé les examens d’admission, sur trente participants, seulement six, moi inclus, sont parvenus à intégrer la JAC. Par la suite, quatre sur les six ont abandonné au cours du premier mois car les entraînements étaient vraiment durs. C’est un métier qui nécessite l’utilisation de muscles que l’on n’utilise pas d’habitude. Par exemple, nous devions apprendre à chuter sans matelas. Nous en utilisions uniquement lorsque nous grimpions à la corde à dix mètres de hauteur.
Coyote Mag: Comment êtes-vous entré dans le milieu du cinéma ?
Kenji Oba: Lorsque je suis entré à la JAC, je me suis entraîné pendant six mois avant d’être admis à travailler sur les séries dans lesquelles soit mon patron M. Chiba était le héros, soit où des gens de la JAC travaillaient. En fait j’avais commencé à travailler sur Key Hunter où Sonny Chiba était le héros, avec des apparitions de doublure. Ensuite mon premier vrai rôle récurrent, c’est dans la série Yagu Ichizoku no Inbo, (Le Complot de la Famille Yagu) qui est un roman vraiment très célèbre et qui a été adapté en film, en série télévisée et sous plein de différentes formes (1977-78).
Coyote Mag: Quels souvenirs avez-vous de votre premier tournage ? Était-ce comme vous l’imaginiez ?
Kenji Oba: Dans Key Hunter, mes camarades m’ont dit à un moment "allez vas-y, c’est à toi de dire ton texte". Je faisais partie d’une bande de mauvais garçons et j’avais quelques lignes à dire, mais c’était la première fois que j’avais la caméra pointée sur moi en tant qu’acteur et non en tant que cascadeur. Je devais pour la première fois jouer. Je dis donc mes quelques phrases et là Sonny Chiba, qui jouait le héros de la série, se jette au milieu du groupe des malfaiteurs et nous terrasse à coup de poing et coups de pied. Et c’est là aussi la première fois où je suis en gros plan et que j’encaisse un coup de M. Chiba. Je tombe, je fais une grimace de douleur et je m’évanouis (rires). Rien que de jouer cette scène dans un bon timing a été vraiment très difficile.
Coyote Mag: Avant de tourner dans la série San-Ku-Kai, avez-vous participé au long-métrage de Kinji Fukasuku qui l'a inspiré, Les évadées de l'espace ?
Kenji Oba: Oui, j’y joue le rôle d’un méchant. M. Fukasaku était quelqu’un de très consciencieux. Il était capable de déceler les fautes parmi plusieurs dizaines d’acteurs. Pendant une scène regroupant un grand nombre de personnes, il pouvait interpeller un figurant: « Hé, toi, dans le fond ! Pourquoi tu te marres, là ? »
Coyote Mag: Que pensez-vous de la carrière de Hiroyuki Sanada (Ayato dans la série San-Ku-Kai) qui est devenu connu après avoir arrêté les cascades ?
Kenji Oba: Hiroyuki Sanada a débuté comme moi au JAC en tant que cascadeur. Nous avons des amis communs qui sont décédés durant des scènes d’action. Ce sont les risques du métier. Sanada aussi a eu un accident, qui l’a atteint au niveau des hanches, ce qui l’empêche désormais de faire des cascades. Je pense que le jeu d’acteur et les talents de cascadeur sont deux choses à ne pas mélanger. Il faut donc considérer le Hiroyuki cascadeur, qui a su s’imposer à son époque, et le Hiroyuki acteur d’aujourd’hui. Même s’il ne peut plus réaliser de scènes trop dangereuses, les gens peuvent maintenant l’apprécier pour ses talents de comédien.
Coyote Mag: Comment se passe l'ascension d'un cascadeur ?
Kenji Oba: Cela dépend, mais on ne peut pas vraiment parler d’ascension. Certains ne veulent pas être acteur, d’autres oui, tout en restant cascadeur. Parmi ceux-là, certains deviennent directeurs de chorégraphie. Mais cela ne peut se faire facilement, il faut une période de transition. Ils suivent donc des aînés plus expérimentés sur les tournages, afin de les observer et d’apprendre le métier. Ensuite on commence par leur confier de petites chorégraphies. S’ils deviennent chorégraphes titulaires, ils peuvent enfin entrer dans le milieu. Aujourd’hui, être cascadeur est devenu plus difficile, même à Hollywood. A cause des nouvelles technologies, et des images de synthèse notamment, ce métier se fait de plus en plus rare.
Coyote Mag: Pourquoi vous a-t-on choisi pour jouer Gavan (X-OR) ?
Kenji Oba: Sur ce genre de série, le salaire n’est pas proportionnel au nombre de rôles que l’on joue. Généralement, il faut payer des acteurs pour jouer les héros non costumés, et d’autres acteurs pour les héros transformés. Alors, si je jouais les deux rôles moi-même, la production économisait un salaire. Mais finalement, on m’a demandé de n’incarner que le personnage non costumé. J’avais déjà tourné dans deux séries “Sentaï” avant X-OR, Battle Fever J et Denziman, dans lesquelles on m’avait confié un rôle pour 25 épisodes à chaque fois. Mais nous étions cinq à cette époque, donc si un acteur se blessait, on pouvait réduire à 4 membres sans problème. Alors que pour X-OR, j’étais seul. Donc il fallait que je joue mon rôle cinq fois plus, c’est-à-dire que je devais avoir plusieurs expressions. Pour préciser, chaque personnage de force rouge, verte, bleue, a chacun une spécificité de caractère différent. Le leadership, la gentillesse, la force, le charme et là je devais être capable de faire ces cinq sentiments sur un seul personnage, car j’étais tout seul. Donc je devais être capable de faire preuve de gentillesse avec les enfants, je devais être capable de faire preuve d’humour avec mes personnages récurrents et comiques et je devais être à la fois cool et intransigeant avec les méchants. Je dois dire que pour mon âge c’était quelque chose de vraiment intéressant, car j’avais chaque jour un éventail de rôles à jouer.
Coyote Mag: Avez-vous ajouté un peu de votre touche personnelle au personnage ?
Kenji Oba: C’est moi qui ai eu l’idée du “Laserolame”. Ils voulaient un sabre qui brille, alors j’ai proposé d’en faire carrément un façon sabre laser. Pareil pour la pose de X-OR, c’était mon idée. Je pense que les enfants attendaient un héros comme X-OR. Avant, il y avait déjà des séries comme Ultraman (1966) et Kamen Rider (1971) mais le public voulait quelque chose de neuf.
Coyote Mag: Quelle est votre actualité et quels sont vos projets ?
Kenji Oba: Aujourd’hui, je suis producteur, coproducteur et consultant sur des séries. De nos jours, au Japon, pour être apprécié du public, il faut participer aux émissions de variété. Habituellement, c’est l’inverse: on est invité dans une émission parce que notre série est un succès. Mais actuellement, le problème est que le succès d’une série dépend de ce qu’en dit la télévision. Donc pour qu’une série marche, on doit payer les chaînes pour en parler dans leurs émissions. Si cet argent était employé à l’évolution du studio de tournage par exemple, on pourrait améliorer la qualité des programmes… Mais plutôt que d’être devant la caméra, je veux former des jeunes et j’ai surtout très envie de réaliser. Je voudrais tourner des œuvres sans avoir à utiliser trop de trucage. Je tournerais bien dans des décors fabriqués à la main par exemple, avec des angles de prise de vue originaux. Cela fait des années que j’en parle, mais, hélas, personne encore ne m’a offert cette chance, à part sur X-OR: les explosions derrière le personnage quand il arrive à l’écran, et dit son nom, c’était mon idée. J’aimerais réaliser mes fantasmes de réalisateur, un jour.
Coyote Mag: Comment avez-vous été choisi pour jouer dans Kill Bill et Battle Royale 2 ?
Kenji Oba: Quentin Tarantino est un fan de Sonny Chiba et notamment d’une série manga "Hattori Hanzo: Kage No Gundam" où dans la cinquième saison, je joue le rôle d’un ninja au crâne rasé. En fait Quentin Tarantino avait aimé mon personnage chauve et m’avait demandé si je pouvais me raser le crâne pour le film. Il l’a surtout demandé à Sonny Chiba. Et bien sûr j’ai accepté. Donc en fait Quentin Tarantino avait cette image de nos deux personnages et il les a transposés tel qu’il les avait appréciés dans la série. Alors que dans la série télé, le personnage que joue Sonny Chiba me traite mal tout le temps, mais dans le film Kill Bill je fais complètement l’opposé, c'est moi qui l'envoi paître à chaque fois (rires). Pour Battle Royale 2, Kinji Fukasaku, qui devait le réaliser, est décédé alors que le casting n’était pas encore terminé. Nous étions encore sept à devoir auditionner pour mon futur rôle. Son fils, Kenta, m’a alors choisi, car son père avait souvent tourné avec des membres du JAC. C’était l’occasion de pouvoir lui rendre hommage sur ce film.
Coyote Mag: A part Kill Bill, avez-vous tourné dans d'autres films occidentaux ?
Kenji Oba: Dans The Bushido Blade (avec Toshirô Mifune, Sonny Chiba et James Earl Jones), je crois que c’est tout. En fait, je ne songe plus vraiment à jouer la comédie, j’ai tourné la page. Si on devait me proposer un rôle, il faudrait que ce soit un personnage qui ne dit pas un mot. Je ne parle pas de copier Charlie Chaplin qui avait son propre monde dans le cinéma muet, mais d’un rôle dans une série normale, où mon personnage n’aurait aucune réplique. Je devrais m’exprimer avec mon corps et mon visage uniquement, avec des attitudes. Pour être honnête, je n’aime pas vraiment les personnages trop bavards.
Coyote Mag: Est-ce différent de travailler pour les Américains ? Qu’en avez-vous retenu ?
Kenji Oba: En fait il y avait un traducteur et je n’avais à parler que japonais, je n’avais pas à parler une langue que je maîtrisais très mal. Ça m’a enlevé une grosse épine du pied, car je déteste devoir jouer dans une langue que je ne maîtrise pas. Plusieurs années auparavant, j’avais déjà joué avec une production congolaise pour un film congo-japonais qui s’appelle Golgo 13. Je pense que lorsque nous tournons dans des pays étrangers, les gens montrent beaucoup plus de respect pour nous, acteurs japonais, que dans notre propre pays.
Coyote Mag: Avez-vous beaucoup voyagé pour votre métier ?
Kenji Oba: Il y a quatorze ans, lors d’une tournée pour le travail je suis allé dans plusieurs pays accompagné de Sonny Chiba. Au Brésil, à San Paolo afin d’assister à un combat de Karaté et pour l’occasion, nous avons fait une sorte de chorégraphie avec mes camarades de la JAC. Ensuite nous avons bougé au fin fond du Brésil pour une émission de cuisine où nous avons mangé des piranhas et une sorte de poisson verdoyant. Nous avons aussi mangé du Cogolin. On le tuait et on le retournait sur le dos, et comme il avait une carapace ça faisait une sorte de pot au feu. C'était très enrichissant.
Coyote Mag: Vous avez décidé de faire une pause dans votre carrière d’acteur afin de vous consacrer à votre famille, le regrettez-vous ? Le cinéma ne vous manque-t-il pas ?
Kenji Oba: C’est vrai que lorsque je tournais pour des séries pour enfants, j’avais un peu arrêté pour m’occuper de ma famille, mais j’étais appelé de temps en temps. Par exemple j’avais fait une apparition dans un épisode de Jiraiya, mais comme j’étais parti depuis très longtemps, je ne reconnaissais plus vraiment le milieu du tournage. Il faut dire que les jeunes acteurs de l’époque se voyaient déjà en haut de l’affiche et faisaient preuve d’un peu d’autosuffisances. Peut-être aussi qu'on m’a rappelé afin que je remette un peu les choses dans le droit chemin. Mais bon, ça n’était pas mon rôle alors j’ai fait en sorte de prendre un maximum de plaisir au moins en tournant dans ces scènes. Et c’est vrai que les héros étaient là pour un an donc ça n’était pas vraiment rose pour eux alors que moi j’étais appelé de temps en temps donc je pouvais prendre sur moi et faire en sorte que ça aille mieux. Après, il est vrai que pendant cinq ans j’étais en dehors du milieu, mais les choses avaient évolué, beaucoup changé donc j’ai été moi-même amené à rencontrer des gens avec qui je n’avais jamais travaillé à l’époque parce qu’ils n’étaient pas encore arrivés. J’étais connu pour mes rôles, mais je ne l’étais pas forcément en tant que personne parce que je n’avais jamais travaillé avec eux donc c’était plus ou moins difficile de pouvoir lier une communication avec eux.
Coyote Mag: Aujourd'hui vous continuez à vous produire dans des spectacles avec votre troupe Lamy dans votre région natale Ehime, comptez vous un jour revenir dans le monde du cinéma ?
Kenji Oba: En fait je suis producteur de spectacle et à l’intérieur de cette société, la section des Actions s’appelle LAMY. C’est le "LA" de "lac" qui est la prononciation de "Luck", le "M" de "Member". En même temps ça a une signification japonaise qui est la surprise, l’intérêt donc c’est pour ça que nous avons choisi ce nom. Dans ma région c’est la seule "Team" qui fait de l’ac-team et de la cascade à la fois. Si j’avais l’occasion de revenir sur le devant au cinéma, je n’hésiterais pas, mais peut-être pas en tant qu’acteur ou rôle principal, plutôt pour faire travailler des gens, j’aimerais bien former, transmettre mes connaissances et si j’avais la chance que mon rôle soit celui d’un professeur, d’un père, de quelqu’un qui puisse transmettre ses connaissances pour former des jeunes, j’avoue que ça me plairait de travailler là dedans. Et puis bon, à 53 ans je pense que j’aurais quand même du mal à être de nouveau le héros d’une série d’action à moi tout seul.
Coyote Mag: Depuis 1972 jusqu’en 2003 vous avez enchaîné les tournages et êtes devenu un acteur réputé notamment grâce à la série X-OR. Pensiez-vous arriver jusque là ?
Kenji Oba: En fait je n’avais pas vraiment envie d’être acteur au départ, mais simplement cascadeur, mais c’est vrai qu’en étant seulement cascadeur on ne gagne pas vraiment sa vie. Alors je suis devenu acteur. J’ai appris à aimer être acteur au fur et à mesure que je l’étais et c’est surtout grâce à toutes les rencontres que j’ai pu faire et à la JAC. Je suis sincèrement reconnaissant à mes maîtres et si je pouvais leur rendre la pareille, faire en sorte que tout ce qu’ils m’ont appris serve aux générations futures j’en serais vraiment heureux. Former une école d’acteurs et de cascadeurs serait vraiment très bien et pourrait bien marcher au Japon, mais pas seulement, ils pourraient avoir la chance d’être embauchés dans les œuvres étrangères également. A l'époque où j’avais tourné ma première série, lorsque j’étais acteur en non transformé, je le faisais aussi en transformé parce qu’il y avait peu de gens qui étaient capables de me remplacer derrière, qui étaient capables de faire ce que je faisais comme cascade, donc c’est comme ça que je me suis retrouvé à faire les deux.
Coyote Mag: Surpris du nombre de fans venus vous voir au Chibi Japan Expo ?
Kenji Oba: Je suis moi-même fan de X-OR, alors je les comprends. Et surtout, je suis heureux d’avoir tous ces remerciements pour une série sur laquelle j’ai risqué ma vie.
Interview publié dans Coyote Mag n°30 (mars 2009)